La
Colonne d'Epernon, Cathédrale Saint-Pierre (1999)
On remarque dans le jardin nord de la cathédrale une
gracieuse colonne de la renaissance, également décorée à sa base de branches
de chêne entrelacées et sur le fût de palmes entrecroisées et du monogramme MV;
le travail fort délicat est attribué à Jehan Pageot, qui fut au service du duc
d'Epernon et la colonne est communément appelée colonne d'Epernon. Le
monogramme MV est celui que forment les initiales
de Marguerite de La Valette, duchesse d'Epernon, morte à Angoulême
au début de l'année 1593. Cette charmante et douce personne ne fut guère aimée
par le duc d'Epernon auquel elle donna trois
enfants, tous nés à Angoulême dans le vieux chateau et dont le premier, par
une rare exception à l'usage de l'époque porta le nom de sa mère, pour sauver
de l'oubli la renommée de la famille de Foix-Candale.
Le duc d'Epernon qui avait montré si peu d'empressement à l'égard de sa femme
durant sa vie, songeat à lui témoigner, après sa mort, des signes de la
douleur la plus fidèle, sinon la plus sincère.
Tardivement, au mois d'Avril 1622, il réclamait aux chanoines de la cathédrale
Saint-Pierre la chapelle de la Trinité, une des chapelle construites à l'extérieur
des cotés; la demande était faite sur un ton qui n'admettait point de réplique
et, bien que le duc fut, pour l'heure, en Provence dans une situation d'ailleurs
assez délicate, les chanoines, par ailleurs si pointilleux, épris d'indépendance
et procéduriers, s'empressèrent d'accéder au désir ducal et répondirent à
d'Epernon en des termes tels qu'il dut penser qu'il leur avait fait le plus
grand honneur. C'était bien ainsi qu'il l'entendait sans doute au fond de son
coeur, à moins que, pris d'un remords tardif, il n'ait voulu rendre un hommage
particulier à la mémoire de celle qui lui avait marqué tant d'attachement et
qui, pour lui, avait montré tant de courage devoué lors de la fameuse
embuscade que lui avait tendue le maire ligueur Normand de Puygrelier en 1588.
Ainsi dans le même moment qu'il vivait avec Anne de Monier avec laquelle il s'était
remarié morganiquement en Provence, le duc faisait élever dans la chapelle de
la Trinité un monument funéraire digne de sa fortune et de la délicate
personalité de Marguerite de Foix-Candale. Le mausolé était surmonté d'une
colonne de marbre noir que couronnait une urne d'argent renfermant le coeur de
la dame. En même temps le duc prescrivait que tous les matins à six heures une
messe basse serait dite dans la chapelle de la Trinité pour le repos de l'âme
de la duchesse et que le glas sonnerait pour rappeler aux Angoumoisins le
souvenir de cette femme remplie de vertus et que la mort avait fauchée dans sa
vingt-sixième année. Les désirs du duc étaient des ordres pour le châpitre
de la cathédrale et la messe basse , qui devait au jour anniversaire de la mort
de la duchesse un service solennel célèbré par l'évêque lui-même , fut
dite tous les matins jusqu'en 1793, époque à laquelle le mausolée fut profané
et l'urne ravie et vraissemblablement envoyée à la Monnaie de La Rochelle. Le
coeur de Marguerite de Foix-Candale, dame de La
Valette, duchesse d'Epernon, fut jeté aux décombres
du monument détruit et sur lesquels gisait la colonne abattue.
L. Burias & J.-A. Catala, Angoulême